CYPRIEN DE CARTHAGE

CYPRIEN DE CARTHAGE
CYPRIEN DE CARTHAGE

Un évêque confronté aux difficiles problèmes qui se posent à l’Église au milieu du IIIe siècle, tel est Cyprien de Carthage. La persécution de Dèce a fait des martyrs, mais aussi des apostats (lapsi ): faut-il admettre ceux-ci à la pénitence et à la réconciliation ecclésiastique, et à quelles conditions? Des divisions sont nées après la persécution: comment sauvegarder l’unité de l’Église «catholique»? L’évêque est le centre de cette unité, signifiée et réalisée dans l’eucharistie. Quelles relations doivent s’établir entre les diverses Églises, et spécialement entre elles et l’Église de Rome? Celle-ci a-t-elle dans l’unité catholique un rôle de prééminence et d’autorité? À ces problèmes s’ajoutent les questions pratiques de vie chrétienne: l’aumône ou la prière, la modestie des vierges, etc. Sur tous ces points, l’évêque de Carthage, malgré les lacunes de son ecclésiologie, est un témoin privilégié de la Tradition.

Un pastorat mouvementé

Né au début du IIIe siècle à Carthage, où il est un rhéteur renommé, Cyprien est choisi comme évêque de cette ville peu après sa conversion (248-249). Bientôt éclate la persécution de Dèce (fin 249). Obligé de se cacher, Cyprien soutient par ses Lettres la résistance de ses fidèles. Rentré à Carthage, il doit régler le problème de la réconciliation des lapsi (les chrétiens qui avaient «failli» durant la persécution): en plein accord avec l’évêque de Rome Corneille, il prend à leur égard des mesures de miséricorde (concile de Carthage, 251), qui provoquent le schisme des rigoristes Felicissimus et Novat (à Rome, à la même époque, dans une situation analogue, c’est le schisme de Novatien). À partir de 255, Cyprien se trouve en conflit violent avec le successeur de Corneille, Étienne, au sujet de la validité du baptême administré par les hérétiques: trois conciles de Carthage (255, 256) maintiennent la tradition africaine, qui niait cette validité et rebaptisait les hérétiques qui revenaient à l’Église; Étienne tient pour la tradition opposée de l’Église de Rome. Le conflit faillit amener une rupture. Quand la persécution reprend sous Valérien, Cyprien, d’abord relégué à Curubis, est ensuite rappelé à Carthage, où il est condamné et décapité le 14 septembre 258. Les Actes de son martyre (Acta proconsularia , procès-verbal officiel du jugement et récit de l’exécution) sont un des plus beaux textes de ce genre qui aient été conservés.

Un témoin privilégié de la Tradition

Cyprien est un écrivain clair, formé aux règles de la rhétorique classique; sa langue a déjà les caractéristiques du «latin chrétien». Son œuvre la plus importante est le recueil des Epistulae , ses Lettres (quatre-vingt-une, dont seize de ses correspondants), document de première valeur pour l’histoire de l’Église du IIIe siècle: épiscopat, liturgie, baptême, eucharistie (Ep. , LXIII), vie morale, persécutions. Il a laissé en outre le récit de sa conversion (Ad Donatum ), des ouvrages d’apologétique (Ad Demetrianum ; Ad Quirinum , recueil de citations bibliques), de morale et de pastorale (La Toilette des vierges , Les Lapsi , L’Oraison dominicale , Les Bonnes Œuvres et l’Aumône , La Patience , etc.), et surtout un écrit Sur l’unité de l’Église catholique (251), dont le texte comme la doctrine posent encore des problèmes.

C’est surtout la doctrine de Cyprien sur l’Église qui intéresse l’historien et le théologien. Cette doctrine est centrée sur l’Église locale et sur son unité (contre les schismes), dont le signe et le fondement sont l’évêque unique (Ép. , XLIX, 2). Le fondement en est la parole de Jésus à Pierre (Matth., XVI, 18). L’unité de l’Église universelle est faite de l’unité dans la foi et de la concorde de tous les évêques qui possèdent tous ensemble l’épiscopat in solidum (De unitate Ecclesiae , V).

La doctrine de Cyprien sur la primauté de l’évêque de Rome n’est pas pleinement cohérente. Chaque évêque est indépendant dans son diocèse et n’a de comptes à rendre qu’à Dieu seul. D’autre part, l’Église de Rome est l’Ecclesia principalis , d’où est sortie l’unité de l’épiscopat (Ép. , LIX, 14); de même que Pierre a reçu une «primauté» comme signe et point de départ de l’unité du Collège apostolique, Rome, l’Église de Pierre (Cathedra Petri ), est le signe de l’unité des évêques entre eux. Mais cela n’implique pas une juridiction de Rome sur l’Église universelle. Cependant, il est visible que Cyprien tient à rester en communion avec l’évêque de Rome et sait recourir à lui quand besoin est. Il lui reconnaît implicitement une autorité qui était déjà dans les faits avant qu’on n’en fît la théologie.

Le chapitre IV du De unitate Ecclesiae nous est parvenu en deux recensions. L’une, plus courte, souligne «la primauté donnée à Pierre»; elle est authentique, quoi qu’on en ait dit. L’autre serait une révision due à Cyprien lui-même lors de ses discussions avec Étienne, mais on en discute encore!

L’ecclésiologie de Cyprien mérite d’être étudiée de près, surtout dans le dialogue de l’Église catholique romaine avec l’Église anglicane (épiscopalisme), comme avec les Églises orthodoxes (ecclésiologie de l’Église universelle ou de la communion entre les Églises particulières).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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